Retranscription libre de la Conférence de Rav Wattenberg
LE COURS EN AUDIO
[ Centre-Alef ]
Le 10 Tévet est le jour où le roi de Bavel Nevoukhadnetsar (Nabuchodonosor) a commencé à assiéger Jérusalem. C'est environ un an et demi avant la destruction du premier Temple comme c'est ramené dans Melakhim II début du 25e chapitre. Celui-ci a été détruit selon les historiens en -586 et selon la tradition plutôt en -421 ou -423.
Le même jour le prophète Ye'hezkel qui se trouvait loin d'ici à Bavel (il avait déjà été exilé là-bas, c'est la Galout Yekhonia) prophétise qu'en ce jour c'est le siège de Jérusalem. Le verset dans Ye'hezkel (24, 1-2) dit ויהי דבר יהוה אלי בשנה התשיעית בחדש העשירי בעשור לחדש לאמר בן אדם כתב לך את שם היום את עצם היום הזה סמך מלך בבל אל ירושלם בעצם היום הזה En ce jour le roi de Babel a assiégé Jérusalem en ce jour même.
LES TROIS JOURS DE DEUIL 8, 9 ET 10 TEVET
Mais en réalité il s'est aussi produit des choses avant. Il y a eu trois jours consécutifs de catastrophe (comme c'est ramené dans les Sli'hot du 10 Tevet). Le 8 Tevet la Torah a été traduite en grec, la Septante. Aujourd'hui les historiens en sont bien contents, mais à l'origine c'était un danger et une menace. La Gmara raconte dans Méguila 9a que lorsque le roi Talmaï Hamelekh a imposé aux juifs de traduire la Torah c'était pour vérifier si la Torah était compatible avec leurs valeurs, et il a demandé une traduction à 72 rabbanim afin de bien vérifier s'ils ne se contredisent pas etc.
Le 8 Tevet s'appelle un Taanit Tsadkim, c'est un jeûne facultatif que certains Tsadikim respectent.
Le 9 Tevet c'est le décès de Ezra Hassofer au début du second Temple. Aujourd'hui quand un Tsadik meurt on fait une hilloula une fête, mais à l'origine on était triste et on pleurait, il y a même un jeûne le jour du décès de Moshé Rabenou le 7 Adar ! Il y a aussi la coutume de jeûner lors du Yohrzeit de ses parents. C'est seulement tardivement qu'il y a eu cette coutume -surtout chez les 'hassidim al pi kabbala- de se réjouir de la mort du Tsadik qui a fini son rôle sur terre.
Le décès de Ezra ce jour-là est lu dans les Sli'hot ashkénazes mais pas dans les Sli'hot sfarades.
Le Shoul'han Aroukh (Ora'h 'Haïm §582, 2) ramène que le 9 Tevet il y a un jeûne facultatif mais que l'on ne sait pas quel drame s'est passé ce jour-là. Le Maguen Avraham et le Beer Hagola sur place s'en étonnent, ce jour-là est décédé Ezra Hassofer comme c'est ramené dans le Kolbo déjà. Le Taz va plus loin et écrit que c'est un grand étonnement sur le Shoul'han Aroukh !
Mais en réalité lorsque l'on voit les Sli'hot Sfarades le décès de Ezra est ramené le 10 Tevet pas le 9. Pire encore, dans Méguilat Taanit (une ancienne braïta, d'avant les mishnayot) il est écrit : « le 8 Tevet la Torah a été écrite en grec sous Talmaï Hamelekh et l'obscurité est venu sur terre trois jours consécutifs (c'est une expression). Le 9 Tevet, nos maîtres ne nous ont pas dévoilé les raisons du deuil. » Donc ce n'est pas en vain que le Shoul'han Aroukh a écrit qu'il ne savait pas ce qui s'était passé ce jour-là.
Agav, dans Shalshelet Hakabala il explique la notion des trois jours d'obscurité veut dire que les juifs étaient tellement angoissés de cette traduction qu'ils ont décidés de jeûner pendant trois jours ! Et leurs visages se sont noircis par le jeûne (c'est la symbolique des trois jours sombres). D'après ça on aurait une autre raison pour laquelle on jeûne le 9 Tevet, ce serait en souvenir du jeûne de trois jours de nos ancêtres.
Une autre raison du jêune du 9 Tévet se trouve dans le Seder Hakabala (ou Sefer Hakabala) du Raavad à propos de Rav Shmouel Hanaguid. C'était un grand Rav du 11e siècle, le vizir du sultan de Grenade (en Espagne) 'Habbous et de son fils Badis. Il était très riche et un grand Tsadik qui a eu l'intelligence d'utiliser sa richesse avec beaucoup de sagesse. Le Raavad raconte qu'il se souciait du bien-être de tous les juifs en Espagne, au Maghreb, en Afrique (il y avait des juifs là-bas ?), en Egypte et même en Bavel et jusqu'à Jérusalem. C'est lui qui fournissait l'huile d'olive pour éclairer toutes les synagogues de Jérusalem. Et dans tous ces pays il a fait savoir que toute personne qui décide sincèrement de faire Torato Oumanouto de passer sa journée à étudier, alors il se souciera de sa parnassa, il a ainsi subventionné tous les Issakhar-Zvouloun de l'époque (à part ceux de France ou de Russie :-) ) ! Il payait aussi des scribes continuellement du matin au soir afin d'écrire le Talmud et des Mishnayot et il offrait ces livres à ceux qui voulaient étudier.
Rav Shmouel Hanaguid est niftar en 1055, et c'est son fils Rabbi Yossef Hanaguid qui a pris sa place, et a continué les mêmes actes de bienfaisance que son père. Seulement, le Raavad écrit qu'il était orgueilleux dans son cœur, parce qu'il avait grandi dans la richesse et à cause de sa prétention il était moins aimé du public et de son peuple. Lors d'une émeute, un Shabbat 9 Tevet 1064/1066 les goyim l'ont tué. Ils ont pris son corps et l'ont cloué à la muraille de la ville. Ils ont aussi tué son fils. Sa femme a réussi à s'enfuir avec un autre fils Rabbi Azaria. Celui-ci a ensuite été nommé grand rabbin (rosh kahal) de Lucène au sud de l'Espagne, mais il est mort peu de temps après ainsi que sa mère. Et le Raavad écrit que les Kadmonim dans Méguilat Taanit qui n'ont pas ramené la raison du jeûne du 10 Tevet, c'était en réalité une semi-prophétie (roua'h hakodesh) du meurtre de Rav Yossef Hanaguid qui allait plus tard arrivait ce jour-là et avec lui 1500 familles juives ce jour-là à Grenade (certains disent 4000 ou 1500 juifs).
Une quatrième explication de ce jour de jeûne est ramené dans le Tosfot 'Hadashim, un commentaire sur le Meguilat Taanit. Il ramène au nom d'un Gadol que ce jour-là du 9 Tevet est né Oto Haïsh, Jésus ! C'est Noël en date hébraïque. C'est assez intéressant comme explication.
D'après ça on peut aussi comprendre pourquoi la Meguilat Taanit n'a pas simplement deviné que l'on jeûnait le 9 Tevet à cause du décès de Ezra (d'après les sli'hot ashkénazes). Il faut en fait dire qu’à l'époque de la rédaction de la Méguilat Taanit où Jésus n'était pas encore né, ça devait être mentionné que c'était le décès de Ezra et c’est seulement ensuite qu’ils ont rajouté la raison de la naissance de Jésus. Et peut-être qu'au Moyen-Age les juifs ont préféré censurer ça pour éviter des problèmes avec les chrétiens.
Le 9 Tevet tombait le 25 Décembre en l'an 3758, de l'an -3. Agav, c'est bête les chrétiens qui pensent que Jésus est né en l'an 1 alors que dans leurs évangiles (Mattieu 2, 1) c'est écrit que celui-ci est né sous le règne d'Hérode le grand, or celui-ci est mort en -4. (il est interdit de lire ce genre de livres, les sfarim ha'hitsonim. Rav Wattenberg a eu une autorisation spéciale d'un possek en Israel sinon il ne se serait pas permis)
Et de toute façon on ne peut calculer de correspondance entre le calendrier hébraïque et le calendrier julien de l'époque dans la mesure où avant l'an 359 et la fixation du calendrier hébraïque, avant ça tout dépendait du témoignage des témoins de la nouvelle lune.
Une cinquième possibilité est ramenée dans les Hagaot de Rav Baroukh Fraenkel (Ora'h 'Haïm §580). Il est écrit que ce serait le jour de mort de Shimon Kéfa, Shimon la Pierre, celui qu'on appelle Pierre. Et pourquoi on fête tristement sa mort ? Le Midrash Agadta deshimon kéfa (Otsar Hamidrashim p.557) ramène que Pierre avait une bonne intention. C'est lui qui a diffusé que Jésus avait dit de ne plus suivre les Mitsvot. Pierre s'est installé dans une grande tour, assis sur une pierre, il refusait de manger de la viande seulement des fruits, ni boire du vin etc. Et certains rabbanim dans ce Midrash (c'est une légende, on n’en sait rien historiquement) ont interprété ça positivement : Pierre craignait qu'on en vienne à se marier avec les nouveaux chrétiens s'ils étaient trop proches des juifs. Par conséquent il s'est sacrifié et a affirmé que Jésus lui était apparu afin de faire dévier ces gens de la Torah, et ça fera une secte bien séparée des véritables juifs. Il aurait donc vécu dans sa tour à l'abri des regards où il pouvait pratiquer le judaïsme.
C'est une légende assez étrange. Shadal dans Kerem 'Hemed (III p.202) ramène que dans le manuscrit du Ma'hzor Vitri c'est écrit au nom de Rabenou Tam que c'est ce Pierre qui serait l'auteur du Piyout de Yom Kippour "Eten Téhila" !
JEUNE DU 10 TEVET QUI TOMBE SHABBAT
On a souvent l'impression que le jeûne du 10 Tévet est le plus facile car il ne dure pas très longtemps. Mais il ne faut pas oublier que dans l'hémisphère sud (au Brésil etc.) ce n'est pas le jeûne le plus court.
Il y a néanmoins une 'houmra particulière dans le jeûne du 10 Tevet qu'on ne retrouve pas dans les quatre autres jeûnes : c'est ce qu'écrit le Aboudarham (page 136 de l'édition classique, page 283 de l'édition moderne), ramené par le Beth Yossef (Siman 550, seif 3).
Rabbi David Aboudarham est un rabbin espagnol niftar en 1341. Il a écrit un sefer de piroushim sur les tfilot et les minhaguim. Le Shoul'han Aroukh Rabbi Yossef Karo, le cite des dizaines peut-être des centaines de fois, c'est vraiment un livre de référence. C'était un élève du Rosh, ainsi qu'un Talmid 'Haver du Rabbi Yaakov Baal Hatourim qui lui a survécu (niftar en 1343 deux ans après). Au départ il était l'élève du Baal Hatourim puis ils sont devenus 'havrouta.
Il écrit un 'hidoush extraordinaire : si le 10 Tévet tombe un Shabbat (de nos jours ce n’est plus possible, mais avant la fixation du calendrier ça pouvait arriver) alors ce jeûne aurait repoussé Shabbat (comme Kippour) !
Pourquoi ? Parce qu'il écrit dans Yé'hezkel (24, 2) בעצם היום הזה la même expression qu'il y a à Yom Kippour.
Il s'agit donc en réalité d'un jeûne très 'hamour, d'une importance particulière. Plusieurs A'haronim, le Shoel Oumeshiv (Mahadoura Kama Ora'h 'Haïm §179), le Bnei Issakhar (Maamarei Kislev Tevet, Maamar 14 ot 1) et déjà avant eux Rabbi Yonathan Eyebeshutz dans Yearot Dvash (I droush beth) comprennent que c'est lié à ce que la Gmara Taanit 29 que le début de la catastrophe est plus grave (là-bas la gmara veut expliquer pourquoi l'on jeûne le 9 Av plutôt que 10 Av alors que c'est seulement vers la fin du 9 Av que le Beth Hamikdash a commencé à brûler). Le 10 Tevet aussi est le début du siège et de la catastrophe.
Rabbi Yossef Karo ramène le Aboudarham dans son Beth Yossef et s'en étonne grandement, comment peut-on jeûner un Shabbat ? On annule la Mitsva de Oneg Shabbat ! On peut aussi se demander d'où sort-il une Gzeira Shava entre Kippour et le 10 Tevet ? On n'a pas le droit de faire de Gzeira Shava de nous-même sans l'avoir reçu de nos maîtres (Psa'him 66a Nida 19b). D'autant plus qu'il s'agit ici d'une Gzeira Shava de Divrei Torah à Divrei Kabbala, et on ne peut généralement pas faire de Limoud de Divrei Torah à Divrei Kabbala.
Et troisième question c'est que dans le Navi (Zekharia 8, 19) les quatre jeûnes sont cités ensemble sans distinction כה אמר יהוה צבאות צום הרביעי וצום החמישי וצום השביעי וצום העשירי יהיה לבית יהודה לששון ולשמחה. Le Tsom Haassiri de Tevet est cité avec les autres on ne dirait pas qu'il y a une différence à établir.
Une réponse à ces questions peut se trouver dans le Reb 'Haim Brisker, le père du Brisker Rov (dans les Stencil §42 p.27). Bizarrement il ramène ce 'hidoush au nom du Behag, ça doit être une confusion avec le Aboudarham.
Il ramène un autre jeûne que l'on fait Shabbat (à part Kippour), c'est le Taanit 'Halom. C'est dans la gmara Shabbat 11a et c'est ramené dans le Shoul'han Aroukh (§288, 4) que suite à un mauvais rêve vendredi soir on peut jeûner en plein Shabbat. Il ne s'agit pas de simples cauchemars mais des mauvais rêves ramenés dans Brakhot au neuvième chapitre et encore quelques exemples dans les Guéonim.
Et Rav 'Haïm de Brisk explique pourquoi ce jeûne repousse Shabbat, car le Taanit 'Halom ne fonctionne que si on le fait le jour même. Le mauvais rêve est un mauvais présage, et en jeûnant on atténue voire on corrige le problème. Il faudra par contre ensuite être Yeshev Taanit al Taanito, c'est-à-dire qu'il faudra jeûner pour avoir jeûner le Shabbat !
Et c'est pareil pour le 10 Tevet. Il est écrit « Beetsem Hayom Hazé », ça veut dire qu'il y a une nécessité de jeûner précisément ce jour-là (et apparemment on devra ensuite jeûner pour se faire pardonner le jeûne pendant shabbat). Ce qui ne serait pas le cas des autres jeûnes où le verset qui les ramène ne mentionne pas le jour mais seulement le mois (tsom harevii, tsom ha'hamishi etc.).
Avec ça on répond aux trois questions. Premièrement ce n'est pas une Gzeira Shava ici, le Aboudarham veut seulement montrer qu'il y a une nécessité de jeûner ce jour-là précisément comme ce qui ressort de l'expression Beetsem Hayom Hazé. Aussi on comprend que ça peut repousser Shabbat comme le Taanit 'Halom. Quant au verset qui ramène les quatre jeûnes sans distinction on a répondu que pour les autres jeûnes on ne parle pas du jour où il y a le jeûne seulement du mois, tandis que pour le 10 Tevet un autre verset précise que c’est le 10ème du mois et Beetsem Hayom Hazé.
Il y a cependant deux grands problèmes à ce qu'explique Reb 'Haïm.
Déjà ça ne collera pas avec ce qu'écrit le Tour §288 qui explique que la raison pour laquelle le Taanit 'Halom repousse Shabbat est qu'on est tellement perturbé par ce rêve, alors le jeûne est un plaisir pour nous ce Shabbat ! On ne peut plus comparer au jeûne du 10 Tevet. C'est seulement le Shoul'han Aroukh qui explique que l'on peut jeûner pendant Shabbat afin d'annuler son gzar din.
Un autre problème majeur est que n'est pas du tout mashma comme ça du Aboudarham. Celui-ci parle clairement d'une gzeira shava où l'on compare le 10 Tevet au Etsem Hayom Hazé de Yom Kippour. Pourquoi selon Reb 'Haïm ?
Il y a lieu de poser une quatrième question sur le Aboudarham. Le Passouk de Ye'hezkel où c'est écrit beetsem hayom hazé ne nous parle pas de la mitsva de jeûner. On nous raconte seulement l'évènement historique du siège, le prophète dit qu'aujourd'hui beetsem hayom hazé le siège commence. Si le passouk disait beetsem hayom hazé en parlant du jeûne ça irait, mais le passouk parle du siège ! Donc c'est très difficile de comparer ça à Yom Kippour. C'est une question de Rav Baroukh Epstein (le Torah Tmima) dans son Tossefet Brakha (Vayikra 23, 29 , p.211).
Par exemple dans Noa'h (Bereshit 7, 13) c'est écrit que beetsem hayom hazé Noa'h est rentré dans la Téva, et il ne s'agit pas de fixer une Mitsva. Ou encore le beetsem hayom hazé de la mila d'Avraham. L'explication classique de cette expression ramenée par le Ramban (Vayikra 23, 28) est de dire que ça ne s'est pas seulement terminé ce jour-là, mais tout s'est déroulé ce jour-là.
Le Rats Katsvi (§17 p.251) du Rav Reïzman (un Rav contemporain) ramène une réponse au nom du Rabbi du Erloy, Rabbi Yo'hanan Sofer. Ce dernier est Niftar récemment (février 2016). C'est un descendant du 'Hatam Sofer : il est le fils du Yad Sofer, lui-même fils du Itorerout Tsouva de Rav Shimon Sofer. Il a été tué par les nazis vers la fin de la guerre en 1944 vers la fin de la guerre en Hongrie, il avait déjà 93 ans. Il a écrit dans son Shout à chaque page de son livre "Je ne suis pas raouï lehoraa, n'écoutez pas mes psakim", c'est très décourageant à lire quand il y a de longues pages :-). Pourquoi ? Dans la préface il ramène que son grand-père le 'Hatam Sofer disait que pour être apte à être possek il faut trois conditions et lui ne les avait pas. Malheureusement lorsqu'ils ont réimprimé le Itorerout Tshouva ils ont supprimé ces hauts de page, et ça ne se fait pas. Rav Shimon Sofer est le fils du Ktav Sofer Rabbi Avraham Shmouel Binyamin Sofer qui était le fils du 'Hatam Sofer de son troisième mariage (après le décès des deux premières) avec la fille de Rabbi Akiva Eiger.
Rabbi Yo'hanan Sofer dans Apirion 'Hatanim répond à la question en disant que le Aboudarham est medayek de la redondance dans le verset : on répète deux fois beetsem hayom hazé. La première fois est pour le siège et la deuxième pour le jeûne.
C'est une belle explication mais ça ne rentre pas non plus dans les mots du Aboudarham qui ne parle que d'un seul "beetsem hayom hazé" et qui fait le lien avec yom Kippour. De plus, comment le Aboudarham aurait inventé une Drasha sur la redondance du passouk ?
On pourrait essayer de répondre autrement à nos problèmes, mais ça nous amènera à une autre question.
Par rapport au Oneg Shabbat, il faut remarquer que les deux Mitsvot qui se contredisent : Oneg Shabbat et le jeûne du 10 Tevet sont des Mitsvot midivrei Kabala. Le Oneg Shabbat s'apprend du verset dans Yeshaya 58 vekarata lashabbat oneg. Et le principe dans ce cas là quand deux mitsvot s'opposent c'est de rester passif « Shev al Taassé Adif », on s'abstient. Donc entre manger et ne pas manger ce 10 Tevet qui tombe Shabbat c'est mieux de rester passif et de ne pas manger ce 10 Tévet !
(Et ce n'est pas applicable de dire Assé Do'hé Lo Taassé -que la mitsva de manger shabbat repousse l’interdit de manger du 10 Tévet- car ici on parle de Divrei Kabbala et surtout le jeûne n'a pas été cité sous forme de Lav mais sous forme de Essé.)
Le problème c’est que ça nous amène à une autre question : selon la logique de rester passif lorsque deux mitsvot s’opposent on devrait jeûner les quatre jeûnes lorsqu'il tombe Shabbat, pas seulement le 10 Tévet ! C'est la cinquième question.
La sixième question qu'il faut se poser est : à partir de quand les juifs ont jeûné le 10 Tévet ? Apparemment depuis l'époque de la destruction du Temple. Le problème c'est lorsque l'on voit l'autre verset qui parle des jeûnes dans Zekharia (8, 19) on ne cite que les mois du jeûne mais pas le dixième jour du mois par exemple (Tsom Haassiri etc.), pourquoi ?
Le Min'hat 'Hinoukh écrit sur ça un grand 'Hidoush dans Mitsva 301 sk.7 (nouvelle édition 'helek 2 p.454). Il explique qu’à l'époque du premier Beth Hamikdash on n'avait pas encore fixé un jour précis pour le jeûne du 10 Tevet, du 17 Tamouz etc. Chacun choisissait le jour qu'il voulait. Et même durant le second temple où c'est devenu des jours de sim'ha, la date n'était pas fixé dans le mois. C'est seulement après le second temple qu'on a une date précise pour le jeûne. On savait déjà que le 10 Tévet était la date du siège mais le jeûne n'était pas fixé précisément.
Au passage ce n'est pas comme le Reb 'Haïm qu'on a vu plus haut qui pense que c'est seulement le 10 Tévét dont le Navi a fixé la date. Et ce n’est pas comme le Aboudarham qui pense que le jour du 10 Tévet a été fixée par le Navi (beetsem hayom hazé).
L'idée d'une Min'hat 'Hinoukh est osée, c'est un grand 'hidoush. Quelles sont ses preuves ?
La première c'est qu'on voit une ma'hloket dans la Gmara Rosh Hashana 18b entre Rabbi Akiva et Rabbi Shimon quel jour jeûner en Tévet, Rabbi Akiva dit que c'est le 10 Tévet et Rabbi Shimon le 5 Tévet qui est le jour où l'annonce est arrivée de la prise de Jérusalem comme c'est écrit dans Yé'hezkel (34, 21). Et le Min'hat 'Hinoukh prouve d'ici que si les juifs jeûnaient depuis des générations en Tévet comment il pouvait y avoir une ma'hloket quel jour jeûner ! Il ressort que jusqu'à la destruction du second temple on n'avait pas encore de date fixée
Une seconde preuve est la Gmara Taanit 29 raconte que Rabbi Yo'hanan disait que s'il avait été là il aurait fixé le jeûne au 10 Av jour où la majorité du Temple a été brûlée (il n'est pas d'accord avec le principe que le début de la catastrophe est toujours plus grave). On voit bien que la date n'a pas été fixée par une prophétie. Et de toute façon il n'y a pas de Ma'hloket entre prophète ! Si ça dépend de la décision des rabbins c'est qu'apparemment la date n'a pas été reçue par le prophète.
Le Min'hat 'Hinoukh permet de répondre à la sixième question (pourquoi le verset ne mentionne que le mois du jeûne et pas le jour exact). Mais on peut aussi répondre à la cinquième question qu'on a posé (si les deux Mitsvot s'opposent Oneg Shabbat et le jeûne et qu'il est préférable de rester passif en jeûnant alors pour TOUS les jeûnes on devrait jeûner pendant Shabbat).
En effet on pourrait expliquer le Aboudarham ainsi : seul le mois du jeûne est Midivrei Kabbala tandis que le jour précis est un niveau en dessous, seulement Midérabanan (fixé par les ‘Hakhamim). Donc il s'agit d'une opposition entre une Mitsva dérabanan (la fixation du jour précis) et une Mitsva midivrei Kabbala de Oneg Shabbat, c'est donc le Oneg Shabbat qui prime sur le jeûne. Par contre le 10 Tévet c'est un Passouk du Navi qui a fixé le jour de jeûne beetsem hayom hazé, donc là on doit être passif de jeûner Shabbat !
Il est tout de même étonnant que le Min'hat 'Hinoukh (un rabbin de moins de 200 ans) soit en désaccord avec un Rishon l'Aboudarham. Selon le Min’hat ‘Hinoukh à l’époque des prophètes aucun jeûne n’était à une date fixe tandis que pour l’Aboudarham le jeûne du 10 Tévet était fixée depuis l’époque des prophètes.
Néanmoins on a vu qu'il avait deux Gmarot avec lui. Et on trouve même des Rishonim qui semblent dire le contraire du Aboudarham (certains ont été remarqué par les A'haronim d'autres non). En voici sept.
Le Ritva dans Rosh Hashana 18b et Taanit 29b écrit comme le Min'hat 'Hinoukh qu'il n'y avait pas de date fixée dans le mois pour les jeûnes.
Le Tashbets (II §271) dit la même chose. Seulement, contrairement au Min'hat 'Hinoukh il dit que ce n'est pas tout le monde qui pouvait décider du jour du jeûne, mais c'était plutôt décidé par le Beth Din local.
Le Rambam aussi écrit clairement à l’opposé du Aboudarham. Dans Hilkhot Taaniot Perek 5 Halakha 5 il écrit que si un des quatre jeûnes tombe Shabbat on le repousse au Dimanche.
Il y a aussi un Rashi quasi explicite (ramené par plusieurs A'haronim dont le Sdé 'Hemed dans Mikhtav Le'hezkiyahou dans les 'hidoushim sur place) : dans Méguila 5a la Mishna énumère les cas où un évènement tombe Shabbat et est repoussé au Dimanche (et pas avancé au Jeudi). Dans cette liste il y a le 9 Av, et Rashi précise que ça inclut tous les jeûnes comme le 17 Tamouz ou le 10 Tevet ! Le 10 Tevet aussi serait repoussé à Dimanche.
Agav on ne parle pas là-bas de Tsom Guedalia pour deux raisons : premièrement c'est évident qu'on ne peut pas avancer ce jeûne puisqu'avant c'est Rosh Hashana, et de toute façon ce jeûne est déjà repoussé (Guedalia a été tué à Rosh Hashana). C’est ce qu’écrit le 'Heshek Shlomo.
Rav Wattenberg a trouvé encore trois autres Rishonim : le Mordekhaï (le Mordekhi), le Rabenou Its'hak baal Hatosfot et Rabenou Perets.
Le Mordekhaï (Irouvin §494) ramène le Rabenou Its'hak baal Hatosfot et Rabenou Perets (qui se trouve dans les Hagaot sur le Tashbets herara alef)
Plus haut on parlait du Tashbets sfarade Rabbi Shimon ben Tsema'h. Là on parle de Rabbi Shimshon bar Tsadok, un Rav Ashkénaze élève du Maharam de Rottenbourg. Il a écrit un petit livre de minhaguim et de halakhot, de ce qu'il a pu écouter de son Rav pendant sa captivité. Le Maharam de Rottenbourg avait été capturé par le duc en échange d'une rançon et le Rav a refusé que l'on paie pour ne pas les encourager à encore kidnapper. Le Maharam a fini par mourir en prison. On appelle ce livre le Tashbets Katan parce qu'il est plus court que l'autre Tashbets. Le 'Hida dans Shem Hagdolim écrit que dans ce livre dès qu'il y a l'expression "oumihou" il s'agit des annotations de Rabenou Perets.
La Gmara dans Irouvin 40a raconte que Rabbi Akiva a mangé un jour de Tisha Beav qui tombait vendredi (à l'époque ça arrivait que ça tombe vendredi) juste avant l'entrée de Shabbat pour ne pas entrer affamé dans Shabbat (ce qui est contraire au oneg shabbat). Et dans la Gmara Rabbi Yehouda explique que Rabbi Akiva a voulu expliquer à ses élèves la Halakha que mitané velo mashlin - les jeûnes du vendredi doivent finir avant l'entrée de Shabbat. Rabbi Yossi n'est pas d'accord et pense que Mitané Oumashlin (on continue de jeûner après l’entrée de Shabbat) et la Halakha est tranchée comme lui.
Tosfot écrivent là-bas au nom de Rabenou 'Hananel que Kabbala béyadénou que Rabbi Akiva était en fait gravement malade cette année, pas comme ce qu'a pensé Rabbi Yehouda qui n'était pas au courant. (La Gmara Baba Batra 130b dit que l'on ne peut pas déduire une halakha d'un maassé avec un Rav, peut-être il nous manque un élément.)
Mais le Mordekhaï ramène que Rabenou Its'hak a mangé un 10 Tevet qui tombait vendredi avant l'entrée de Shabbat. Pourtant la Gmara tranche que Mitané Oumashlin ? Le Mordekhaï explique qu'il faut comprendre que si on veut on peut être Mashlim, mais en réalité il est préférable de ne pas être Mashlim !
Ce piroush peut paraître étrange mais on le retrouve dans beaucoup d'autres Rishonim : le Or Zaroua au nom de Rabbi Baroukh de Regensburg (II, §17 p.5b et 38b), le Rabenou Perets aussi (hagaot sur le Tashbets heara 1), le Tosfot Shants, le Rabenou Yedidia ramenés dans le Maharshal 41b. Rabenou Perets cite aussi que son maître aurait mangé un 10 Tévet qui tombait vendredi un peu avant l’entrée du Shabbat.
Si ces Rishonim pensaient comme le Aboudarham que le jeûne même le jour de Shabbat lui-même entièrement, à plus forte raison que le jeûne repousserait une heure de jeûne pendant Shabbat !
Tout à l'heure on a ramené l'étonnement du Beth Yossef sur le Aboudarham. D'après ce qu'on a dit il aurait pu agrémenter sa question de plusieurs Rishonim qui écrivent l'inverse.
C’est écrit dans le Nefesh Harav de Rav Tsvi Shechter p.196 (un rabbin un peu moderne, élève de JB Rav Yossef Dov Solovetchik) et c'est aussi ramené dans le Assifat Guershon p.483 que le Rav Yossef Dov Solovetchik aurait dit que selon toute vraisemblance ce Aboudarham est une erreur d'un copiste non zélé. Impossible d'imaginer qu'on puisse jeûner un Shabbat.
Le Rav Wattenberg ne souscrit pas à cette idée. Il y a un vieux Sefer, le Tikkoun Issakhar p.28b de Rav Issakhar Soussan (un rabbin de Tsfat à l'époque du Beth Yossef et du Arizal) ramène ce 'hidoush du Aboudarham au nom des Tshouvot Haguéonim (des centaines d'années avant le Aboudarham).
Ce Tikoun Issakhar est ramené dans le Knesset Hagdolah (hagaot beth yossef) et dans le Elia Rabba (§550, s.3). On ne peut pas dire que c'est une erreur si l'on retrouve ce 'hidoush ailleurs et en plus au nom des guéonim.
Et le Aboudarham aurait une source amplement suffisante à son idée.
Il faut donc essayer de s'arranger avec les Gmarot du Min'hat 'Hinoukh, avec les six questions qu'on a posées, et il faut essayer de réduire la Ma'hloket avec les autres Rishonim.
La première question était comment annuler le Oneg Shabbat.
On peut répondre simplement d'après l'idée du 'Hatam Sofer (Torat Moshé Vayikra 9b et 10a et Drashot 'Hatam Sofer I p.93c) : il écrit que chaque année le 10 Tevet Hashem nous juge sur le 'Horban Habaït. Par conséquent les décisions prises ce jour-là par D.ieu auront une incidence sur l'année. On jeûne le 10 Tevet pour annuler la Tsara Haatida, pour annuler une future souffrance. Ce n'est pas comme le 9 Av où l'on jeûne pour une Tsara (une catastrophe) qui est passée. Ce serait ça la 'houmra du 10 Tevet qui fait que ça repousse le Shabbat. De la même façon que l’on jeûne même un Shabbat pour Taanit ‘Halom pour faire passer les mauvais décrets alors on pourrait jeûner pour le 10 Tévet.
On avait aussi ramené un Rashi qui dit que le 10 Tevet est repoussé lorsqu'il tombe le Shabbat pas comme le Aboudarham. Le Shoel Oumeshiv (Mahadoura Kama Ora'h 'Haïm §179 p.63a) ramène cette contradiction au nom de Rav Meir Brahm. Et il répond en disant que Rashi nous parle de la Mishna, et à l'époque de la Mishna de Rabbi Yehouda Hanassi on n'avait pas encore fixé de date. Et ça ne contredit pas le Aboudarham qui parle à une époque où la date du 10 Tévet a été fixée.
Le problème c'est que quand on voit le Aboudarham il a l'air de dire que la date est fixée depuis l'époque du prophète (avec le passouk de beetsem hayim hazé). Il n'a pas l’air d’être d'accord avec le Min'hat 'Hinoukh qui pense que la date n’était pas encore fixée !
Apparemment ce que le Shoel Oumeshiv veut dire c'est que le Aboudarham serait oui d'accord avec le Min'hat 'Hinoukh. Et avec ça il s'arrangera avec les gmarot et les autres rishonim.
En fait d’après le Aboudarham lorsque les 'Hakhamim ont fixé la date du 10 Tevet ils l'ont fait de sorte à ce qu'il repousserait même le Shabbat. Pourquoi ? À cause de la ‘Houmra particulière du 10 Tévet ! (et beetsem hayom hazé ne serait qu’une Asmakhta)
Le Aboudarham est donc d'accord avec le Ritva et le Rashbats et il comprend bien aussi les deux gmarot du Min'hat 'Hinoukh, effectivement avant que les 'Hakhamim ne fixent une date chacun pouvait choisir son jour.
Ce qui est quand même embêtant avec ce Shoel Oumeshiv c'est de dire que ce n'était pas encore fixé à l'époque de Rabbi, qui était pourtant deux générations après Rabbi Akiva et Rabbi Shimon.
Autre chose d'encore plus dérangeant : si on n'a pas encore fixé de date de jeûne comment la Mishna peut nous parler de di'houy, de date repoussée du Shabbat au Dimanche ? De la Mishna il ressort qu'il y avait oui une date précise aux jeûnes et que parfois cela tombait pendant Shabbat !
Peut-être on peut imaginer qu'en fonction de l'endroit ils avaient l'habitude chaque année le même endroit ...
Une autre question qu'il faut analyser.
En dehors du Issour du Oneg Shabbat, il y a un interdit de jeûner pendant Shabbat !
Rabbi Meir Sim'ha de Dvinsk, le Or Samea'h (Hilkhot Taanit Perek 5 Halakha 6) écrit quelque chose d'extraordinaire dessus.
C'est une ma'hloket si l'interdit de jeûner pendant Shabbat est un interdit de la Torah (Shout Harashba I §614, du verset Ikhlouhou Hayom dans Beshala'h 16, 25) ou des 'Hakhamim comme c'est ramené dans le Biour Halakha au début du Siman 288.
Et le Or Samea'h écrit que le Aboudarham pourrait aussi penser que c'est un interdit de la Torah. Dans ce cas-là comment on jeûnerait le 10 Tévet ? Le Mabit (Kiriat Sefer hilkhot shabbat §29 mitsva 29 p.23a) explique que l'interdit est seulement de jeûner pendant tout le Shabbat. D'ailleurs c'est pour ça qu'on fait le Taanit 'Halom, parce qu'on le commence seulement Shabbat matin. Par contre celui qui jeûne une partie de Shabbat fait seulement un Issour Derabanan. Et les 'Hakhamim qui ont interdit de jeûner une partie du Shabbat on autorisait à jeûner si ça tombe un 10 Tévet (le jeûne ne commence que le matin).
Toutes les questions sont maintenant répondues.
La première question du Oneg Shabbat est répondu d'après le 'Hatam Sofer que c'est le jour où on se fait juger sur l'année, donc c'est Oneg Lo de jeûner ce jour-là comme le Taanit 'Halom.
La question 2 et 4 : comment faire une Gzeira Shava de nous-même, surtout que là-bas le passouk ne nous parle seulement du siège lorsqu'il dit Beetsem Hayom Hazé pas du jeûne (question du Tossefet Brakha). On peut répondre que le Aboudarham ne voulait pas réellement faire une gzeira shava, c'est une Ashmakhta bealma !
Si le Aboudarham pense comme le Min'hat 'Hinoukh alors à l'époque des prophètes la date n'était pas fixée. C'est seulement une Halakha des Sages et c'est donc forcément une Asmakhta - où l'on lie le 10 Tévet à Yom Kippour pour pouvoir se souvenir de cette Halakha.
La troisième question était que le passouk ramène les quatre jeûnes sans faire de distinction entre eux. On a répondu qu'il y avait une différence, il y a un passouk en plus sur le 10 Téve qui nous dit beetsem hayom hazé.
La cinquième question était pourquoi on ne dirait pas dans tous les jeûnes que Shev Al Taassé et qu'il est mieux de jeûner Shabbat. ça aussi s'est répondu, ce n'est pas le Navi qui a fixé la date mais les 'Hakhamim (et ils ont établi une exception que pour le 10 Tévet).
La sixième question, pourquoi le passouk mentionne seulement le mois et pas les jours ? Précisément parce que la date a été fixée plus tard. Comme on l'a vu dans le Min'hat 'Hinoukh.
Agav d'après ça on peut expliquer autre chose.
On peut donner une nouvelle raison pourquoi le 10 Tévet repousse le Shabbat alors que le 9 Av qui est plus grave ne repousse pas Shabbat (on avait déjà répondu que At'halta Depouranouta, le début de la catastrophe est pire).
Il est écrit dans le Tan'houma (Tazria §9 p.207a) que la vraie date de Tisha Béav est le Assara Betevet ! Hashem avait décrété de nous mettre en Galout le 10 Tevet, mais Hashem a eu pitié des juifs. S'Il nous sortait en Galout en plein hiver les juifs seraient morts.
Mais dans ce cas-là pourquoi ne pas jeûner aussi le 9 Av qui tombe Shabbat ? Parce qu’on ne peut pas ! Car le jeûne du 9 Av dure 24 heures et on enfreindrait le Issour minHatorah de jeûner le Shabbat
Il ressortirait que la 'Houmra du 10 Tévet c'est le Tisha Béav.
La destruction du Beth Hamikdash n'est pas la seule chose qui a été repoussée pour le 9 Av.
On raconte que l'expulsion des juifs d'Espagne était prévue pour le 31 Juillet 1492 à l'origine et ça a été repoussé de deux jours au 2 Aout qui tombe le 9 Av dans le calendrier julien.
L'expulsion des juifs d'Angleterre a eu lieu le 1er Novembre 1290 mais l'édit d'expulsion d'Edouard Ier était le 18 Juillet 1290 qui était un 9 Av (calendrier julien aussi). C'est seulement en 1656 à l'époque de Rabenou Menashé Ben Israel qui est parti voir Cromwell pour le convaincre de faire revenir les juifs qu’ils ont enfin pu revenir.
Les espagnols ont laissé leur décret pendant 500 ans et les Anglais environ 365 ou 366 ans. Si c'est 366 c'est guématria de Kapdéhou Vé'hashdéhou - honore-le, mais tiens-toi sur tes gardes, soupçonne-le aussi. Si c'est 365 ça ne marche pas c'est la Guématria du Satan avec le Kolel.
Lors de la première guerre mondiale les Allemands ont déclaré la guerre aux Russes le 1er Aout 1914.
D'après ce Mabit (Kiriat Sedfer) le Or Samea'h veut aussi expliquer ce qui est écrit dans Meguila 5b. Il est écrit que Rabbi a demandé à annuler un Tisha Beav qui tombait le Shabbat -puisqu’il était repoussé alors on l’annule cette année. Et le Or Samea'h demande : le 9 Av tombe toujours le même jour de la semaine que le 17 Tamouz (exactement trois semaines avant), alors pourquoi Rabbi n'a pas aussi voulu annuler le 17 Tamouz ? Le Or Samea'h répond que c'est seulement le 9 Av qui est problématique puisqu'il dure 24 heures (et donc un interdit de jeûner min hatorah) contrairement au jeûne du 17 Tamouz.
Il y a une grosse question sur le Or Samea'h : à l'époque de Rabbi Yehouda Hanassi le calendrier n'était pas fixé encore ! Il n'y avait pas forcément trois semaines entre le 17 Tamouz et le 9 Av (si les témoins ne sont pas arrivés le 30e jour de Tamouz).
Le Or Samea'h ramène ensuite une preuve au Aboudarham. La gmara Irouvin 40b ramène une question : est-ce qu'un Rav qui s'est imposé un jeûne vendredi doit être Mashlim et entrer dans Shabbat à jeun ? Le Or Samea'h demande pourquoi la question ne porte que sur un Taanit d'un Ya'hid et pas un Taanit Tsibour qui tombent parfois le vendredi comme le 10 Tévet ? C'est une preuve pour le Aboudarham : si déjà le 10 Tévet repousse la journée du Shabbat, à plus raison qu'on pourrait jeûner une heure le vendredi soir.
Le Rav Wattenberg trouve la preuve à la fois magnifique et ridiculement fausse bim'hilat kvodo. Là-bas c'est Rav Houna et Rava qui discutent, et le calendrier n'était pas encore fixé à leur époque. Donc à leur époque même le 17 Tamouz et le 9 Av pouvait tomber vendredi (et ils ne repoussent pas Shabbat) ! Sa preuve est très étrange... Rabba est Niftar plus ou moins vers l'an 320 et Rava son élève en 352. Comme c'est écrit dans Igueret de Rav Shrira Gaon. Et le calendrier a été fixé en l'an 359 comme l’écrit le Ramban dans Sefer Hamilkhamot -avant on était encore mekadesh al pi hareiya. La gmara dans Rosh Hashana 21a ramène que Rava faisait deux jours de Kippour à cause d'un doute sur le jour donc on faisait le Kidoush Ha'hodesh al pi reiya encore.
Dans la Hakdama du Seder Hadorot du Rav Halperin il se lamente dessus, que beaucoup de rabbins ont écrit des 'hidoushim brillants mais par ignorance de la chronologie de qui était le maître de qui etc. ils ont fait des erreurs ridicules et c'est dommage. Rabbi Meir Mazouz a écrit un livre, Migdolei Israel (offert au Rav Wattenberg par Rabbi Tsema'h Mazouz par les bons et loyaux services de l'ami du Rav Rabbi Pin'has 'Houri), dans sa Hakdama il parle aussi de ce problème dramatique du problème du manque de connaissance historique chez certains rabbanim.
Dans ce livre page 10 il ramène au nom de son père, Rabbi Matslia'h Mazouz qui a été assassiné à Tunis, que les anciens Sages de Tunis ne voulaient pas avoir le Aboudarham à la maison ! Parce qu'ils considéraient que c'était Bitoul Torah. Le livre rassemble juste des minhaguim, des explications de Tfilot, des choses simples. Alors que l'on pourrait à la place faire du pilpoul, des rishonim, un maharsha, se casser la tête ! Rav Mazouz ne souscrit pas à cette idée, le Aboudarham est un Rishon très souvent ramené dans le Beth Yossef. Un livre simple n’est pas forcément inintéressant. Preuve en est ce qu'on vient de voir sur le 10 Tevet qui repousse Shabbat !
POURQUOI JEUNE-T-ON ?
Il faut comprendre que ce qui est important dans cette journée n'est pas seulement de jeûner, mais de se préparer à la Tshouva, comme l'écrit le Kitsour Shoul'han Aroukh de Rav Gantsfried (§121), le Mishna Broura (début de §549), le Baal Shem tov (Tsavaat Harivash §43) et énormément d'autres rabbanim.
Déjà dans la Mishna c'est mentionné dans Taanit 15a : on ramène le passouk de Yona qui dit qu’'Hashem a vu les actions des gens de Ninive et la Mishna souligne que ce n'est pas le jeûne et le sac de silice qu'Hashem a surtout remarqué mais leur Tshouva.
Donc si on jeûne on souffre toute la journée, on a mal à la tête, on lit les Tehilim toute la journée MAIS qu'on n'a pas pris sur soi de s'arranger sur un point alors on est passé à côté du jeûne.
Le Rambam aussi écrit (début du Perek 5 de Taanit) que le but du jeûne est d'ouvrir le cœur à la Tshouva.
Le 'Hatam Sofer (Shout Ora'h 'Haïm §208) explique que ce n'est pas un Taanit de Aveilout mais un Taanit de Tshouva.
Le Maharal de Prague dans Netivot Olam dans Netivot Tshouva (§7 p.168) explique qu'on appelle le jeûne Taanit et pas Tsom car le mot Taanit veut aussi dire soumission comme on voit du passouk dans Bo (10, 14) ad matai meanta leanot panaï - jusqu'à quand tu vas refuser de te soumettre à moi.
Le 'Hida écrit dans Moré Etsba (§174) que le Taanit est une préparation du corps pour faire Tshouva convenablement, et celui qui jeûne mais qui n'a pas fait Tshouva c'est comme s'il n’avait rien fait !
Le Abrabanel (Zekharia Perek 7 p.221) écrit que la délivrance des juifs, leur espoir et le retour de la Shkhina en Israel ne dépend pas du nombre de jeûnes que l'on va ajouter. Ce qui va réellement faire changer les choses c'est corriger ses actions et mieux agir (et ça peut parfois passer pour un jeûne), et se coller à Hashem de tout son cœur. Comment ? En se collant à la Torah ou aux 'Hakhamim. Le Abrabanel ajoute : Ma ekhpat lei Lakadosh Baroukh Hou im yokhlou im lo yokhlou qu'est-ce que ça peut lui faire au bon D.ieu si on a le ventre vide ou pas !
C'est même meroumaz dans le Passouk de Zekharia qui ramène que les quatre jeûnes seront pour le beth yehouda lesasson oulesim'ha oulamoadim tovim vehaemet vehashalom éhavou. C'est-à-dire que le but de tout ça c'est arriver au Emet et au Shalom.
LA ‘HOUMRA DU 10 TEVET
En résumé on a vu trois raisons pour comprendre la ‘Houmra particulière du 10 Tevet.
Ce que dit la Gmara que le début de la catastrophe est le pire, c’est donc le siège de Jérusalem qui est particulièrement marqué.
Le ‘Hatam Sofer qui explique que chaque année le 10 Tévet les juifs sont jugés sur la destruction du Temple pour l’année à venir
Enfin on a ramené le Midrash Tan’houma qui dit que la destruction du Beth Hamikdash était initialement prévue pour le 10 Tévet avant d’être décalé au 9 Av.
Il faut aussi rappeler que le jour du 10 Tévet a été fixé par les Rabbanim comme le jour de Taanit Yohrzeit Klali pour tous les juifs tués à la Shoah dont on ne connaît pas la date. Donc c'est le jour du Yohrzeit de milliers de Tsadikim, pas seulement de Rav Shimon Sofer mais d'encore beaucoup d'autres.
Ce qui fait encore une raison de la particularité de ce jeûne du 10 Tévet.